Le Centre d’Etudes sur l’Emploi (CEE)[1], dans une étude parue début avril, démontre que les dernières réformes hospitalières se sont réalisées au détriment des emplois, des conditions de travail et de la prévention de la santé des salariés.
Elle révèle que « les établissements sont incités à augmenter leur activité tout en économisant leurs ressources. Ils ajustent leurs effectifs au plus près des soins prodigués ». Il est donné naturel d’y lire que « ces réformes (T2A, gouvernance en pôle, l’EPRD[2]..), ont insuffisamment pris en compte les conditions de travail des soignants. »
Le CEE observe que « les débats qui ont accompagné les réformes hospitalières se sont surtout focalisés sur la maîtrise des dépenses. Ils ont laissé en arrière-plan le travail des professionnels de santé, conçu comme une « ressource humaine », voire un simple « facteur de production », à économiser afin d’augmenter la « productivité » hospitalière. »
Comme le dénonce la Fédération FO santé, « le coût du travail, et donc l’emploi, est devenu une variable essentielle d’ajustement et les professionnels de santé sont ainsi mis sous tension en vue d’améliorer la productivité. »
Cette étude du CEE précise que « ce contexte de mise sous tension des effectifs, les rythmes de travail s’accélèrent, alors même que les soignants ont depuis longtemps le sentiment d’exercer leur métier sous pression. »
L’hôpital apparaît comme un domaine en constante restructuration qui conduit à la perte de sens. « Si l’intensification du travail à l’hôpital s’inscrit dans des évolutions communes à l’ensemble de l’économie, elle présente également une perte de repères sur les finalités et le sens du travail. »
C’est même pire que dans les autres secteurs selon cette étude : « Alors que l’intensification du travail connaît une pause relative en France, sa poursuite dans les établissements hospitaliers serait une singularité à relier aux restructurations intenses enregistrées par le secteur. »
Et donc, selon certains dirigeants interrogés, la T2A aurait encore accentué la mobilité des personnels. Les suppressions de postes, la fermeture d’un service non rentable ou les problèmes qui s’accumulent dans certains hôpitaux poussent beaucoup de personnes à bouger de façon croissante. En effet, dans un contexte de concurrence entre établissements, la situation d’hôpitaux excentrés ou de petite taille apparaît fragilisée, le départ d’un médecin pouvant entraîner une baisse d’activité ou la fermeture d’un service et donc le redéploiement forcé de certains professionnels.
Cette logique productiviste concerne plus particulièrement les personnels soignants.« C’est vrai qu’il y en a certains qui seraient prêts à faire des heures sup, mais, par contre, est-ce qu’ils vont être payés ? » (cadre supérieur de santé). Faut-il rappeler que les heures supplémentaires non payées dans les hôpitaux représentent l’équivalent de 30 000 emplois ?
Il est très intéressant de lire dans cette étude que « l’alourdissement des charges de travail entre par ailleurs en contradiction avec le vieillissement d’une fraction des effectifs hospitalier dans les établissements, en sachant que, par ailleurs, on a des profils de patients surtout en gériatrie, qui sont de plus en plus lourds. »
Il n’est donc pas étonnant pour FO-santé de constater l’augmentation continue des arrêts de travail pour raison de santé.
On peut lire que dans une situation d’effectifs minimum et d’absentéisme élevé, les contraintes temporelles ont tendance à s’accentuer ou à se concentrer sur une fraction des soignants : les nécessités de service causent des changements horaires, des dépassements imprévus, des gestions plus serrées des plannings et compromettent le libre choix des congés ou des jours de RTT. Les équipes sont déstabilisées par les changements incessants en leur sein : réaffectations, polyvalence, mobilités ou embauches en contrat à durée déterminée.
La flexibilisation du travail et de l’emploi affaiblit le collectif de soin et son identité. Elle rend difficile l’intégration des nouvelles recrues. La pression exercée sur les soignants engendre, par exemple, un manque de temps pour les échanges, les transmissions ou la régulation des conflits à l’intérieur des équipes ou avec le public.
Les résultats présentés montrent que « les réformes de l’institution hospitalière, si elles ont contribué à accroître la productivité du travail et à respecter l’objectif de maîtrise des dépenses, ont aussi conduit à prendre l’emploi comme variable d’ajustement et à sous-estimer les incidences sur le travail. »
Le sens de ces réformes vient ainsi buter sur la question du travail et des conditions de travail et la santé des soignants.
La pression sur les rythmes va de pair avec des reconfigurations du travail infirmier, qui donnent la priorité aux tâches techniques au détriment des tâches relationnelles et d’écoute.
En conclusion, cette étude mentionne que « les réformes et les décisions de gestion des établissements gagneraient à intégrer, dès leur conception, la question des emplois, des conditions de travail et de la prévention de la santé des salariés. »
Rappelons que le Centre d’Etude sur l’Emploi qui a rédigé cette étude n’est pas une filiale de FO-santé mais placée sous la double tutelle du ministère chargé du travail et de celui chargé de la recherche. (voir site)