Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Défense Hôpital Public Briançon
Défense Hôpital Public Briançon
Pages

LOGO acdhpb notre page facebook

Visiteurs
Depuis la création 24 534
20 décembre 2013

Article du journal Le Monde du 17-12-2013

 

Médecins mercenaires : « un surcoût de 500millions d'euros par an pour les hôpitaux »

Le Monde.fr | 17.12.2013 à 07h55 • Mis à jour le 17.12.2013 à 08h09 |Propos recueillis par 

 

Colcanopa pour

 

Une lente dérive, mais une vraie dérive. En dix ans, de micro-phénomène, la figure du médecin intérimaire (et bien mieux payé), s'est imposée dans le paysage hospitalier, au point de pervertir le système. C'est ce que démontre le rapport du député PS de l'Isère Olivier Véran, présenté mardi 17 décembre, et intitulé « Hôpital cherche médecins, coûte que coûte ». La mission parlementaire qu'il a menée a permis de premières évaluations : 6 000 médecins seraient concernés et le surcoût pour les hôpitaux s'élèverait à 500 millions d'euros par an. Mais au-delà des chiffres, c'est une plongée dans un monde aux drôles de pratiques qu'il permet.

Que représente le travail temporaire des médecins ?

Le seul repère jusque-là, c'était un rapport de l'IGAS de 2003, qui alertait sur le risque de voir un phénomène se développer... Depuis, plus rien. La situation est difficile à quantifier, parce qu'il y a une omerta, et que les tutelles s'investissent avec parcimonie sur le sujet. Je n'ai ainsi pas réussi à identifier une structure capable de recenser cette pratique. Pour autant, en recoupant plusieurs données (emplois temporaires, postes vacants...), j'ai estimé que 6 000 médecins ne font que du remplacement. Ils passent par des agences d'intérim, des cabinets de recrutement ou en négociant directement avec les hôpitaux. Ils sont payés en moyenne 650 euros nets la journée, 1 300 la garde. A quoi il faut ajouter, les frais de transport, d'hébergement et de bouche, et des indemnités de congés payés ou de précarité pour les intérimaires. Avoir recours à des remplaçants multiplie le coût par trois. Ce qui fait un surcoût de 500 millions d'euros par an pour les hôpitaux. Soit plus de trois fois leur déficit.

Lire l'enquête : L'intérim à l'hôpital, un tabou qui coûte cher

Le sujet est réputé tabou. Les langues se sont-elles déliées ?

Des médecins en poste et des directeurs d'hôpitaux ont témoigné. Mais des intérimaires m'ont écrit pour s'étonner de ma démarche. J'ai proposé de lesrencontrer, sans succès. Des agences d'intérim françaises ont été auditonnées, mais celles basées au Luxembourg, qui proposent les services de praticiens étrangers, ont refusé. Le fonctionnement de ces structures reste à éclaircir.

Comment le phénomène s'est-il développé ?

Il a d'abord touché les petits hôpitaux, qui n'avaient pas d'autre choix pour trouverdes médecins, et éviter de fermer un service. Mais désormais, les gros non plus n'arrivent parfois plus à recruter assez de titulaires. Faire appel à des intérimaires ponctuellement peut être une solution, mais y avoir recours sur des contrats de longue durée pour faire fonctionner l'hôpital pose problème, car il n'est pas simple d'organiser un travail d'équipes avec des gens qui changent sans cesse. C'est pourtant ce qui se passe souvent avec les anesthésistes-réanimateurs, les urgentistes et les radiologues.

En outre, cela a perverti le système parce qu'au lieu de se serrer les coudes, les hôpitaux se font concurrence. Il faut être celui qui recrutera l'intérimaire sur le marché le plus vite, quitte à aligner des sommes importantes et mettre en place des pratiques irrégulières.

De quel genre ?

Un directeur peut contraindre son comptable à payer un médecin plus de 7 000 à 8 000 euros par mois, voire plus, soit bien au-delà de ce qui est autorisé pour un praticien hospitalier. Les sanctions sont rares, car ils ont des circonstances atténuantes, puisqu'ils doivent garantir la continuité des soins. Préférant la discrétion, d'autres paient des gardes non effectuées, ou déclarent un plein temps alors que le médecin n'est là qu'à temps partiel.

Du côté des médecins, une pratique est particulièrement condamnable, et illégale: le double emploi, qui consiste, alors qu'on est déjà à plein temps dans un hôpital, àaller travailler ailleurs sur ses congès. A « faire un ménage », comme on dit. Les petits hôpitaux voient ainsi débarquer pour un ou deux jours des médecins déjà salariés dans un gros. Un directeur m'a même dit qu'il avait vu arriver comme intérimaire pour une garde un des ses propres praticiens !

J'ai appelé une agence lyonnaise en me faisant passer pour un urgentiste en poste. On m'a expliqué que je n'avais pas le droit de travailler ailleurs, mais que j'étais le bienvenu si je le souhaitais, les hôpitaux n'étant pas trop regardant. Pour l'heure, les sanctions sont inexistantes.

Comment ont évolué les prix ?

Ils ont explosé. Un médecin en contrat temporaire peut gagner jusqu'à 15 000 euros par mois. Certains n'hésitent d'ailleurs pas à négocier, ou à renoncer au dernier moment à un remplacement parce qu'on leur propose mieux ailleurs.

Quel impact ont de tels tarifs ?

La poursuite du développement du phénomène. Deux données sont particulièrement alarmantes. Des postes de praticiens sont ouverts, mais ne trouvent pas de candidats. En anesthésie, c'est deux sur trois. Les démissions sont aussi inquiétantes. En 2012, parmi les sorties de poste en radiologie, un quart ne concernaient pas des départs à la retraite... Ces dernières années, les pouvoirs publics n'ont pas pris la mesure du problème. Pas parce qu'ils n'ont pas voulu le voir, mais parce qu'ils n'ont pas de solution à apporter. Il faut bien que les hôpitaux continuent de tourner.

Que proposez-vous ?

Il y a deux urgences. Tout d'abord, faire stopper les abus pour assainir le marché. Il faut plafonner le niveau de rémunération qui peut être versée à un médecin temporaire et contrôler les pratiques. Il est indispensable qu'une instance soit enfin chargée du dossier. Parallèlement, il faut réussir à attirer à l'hôpital. Il faut modulerles rémunérations afin qu'en début de carrière, un jeune médecin puisse gagnerplus que 3 000 euros nets par mois, mais aussi faire en sorte que les petits hôpitaux coopèrent pour recruter à plusieurs, et ainsi offrir des postes bien plus intéressants.

Lire le témoignage : Médecin mercenaire ? "Il n'y a rien de honteux à cela"

 


 

Publicité
Commentaires
Newsletter
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Publicité